Tribune : La crise de 2020-2021 se transforme en scénario de type « utiliser les données, ou rien » dans le secteur de l’industrie automobile nous explique Daniel Campo, de H2O.ai.
Par Daniel Campo, de H2O.ai
La COVID-19 a eu un impact fulgurant et conséquent sur l’industrie automobile à l’échelle mondiale, la production de voitures neuves ayant fortement diminué et les fabricants se voyant forcés de conserver des stocks plus faibles. Les données actuelles laissent présager un total de ventes mondiales d’automobiles autour de 64 millions d’unités sur l’année 2020, ce qui représente une large baisse par rapport aux 80 millions d’unités vendues en 2017.
McKinsey estime que les 20 plus grands fabricants du secteur verront leurs bénéfices diminuer d’environ 100 milliards de dollars en 2020, soit une baisse d’environ six points de pourcentage par rapport à il y a à peine deux ans et souligne qu’il faudra probablement plusieurs années pour se remettre de cette chute de rentabilité.
En parallèle, et tout à fait séparément de la crise du coronavirus, l’impact d’une autre crise a commencé à se faire sentir : celle du climat. Le secteur fait face à d’importants défis sur la manière dont ses clients veulent utiliser ses produits, que ce soit l’automatisation d’une partie de la conduite, l’engouement pour le covoiturage, ou le passage aux véhicules électriques.
Alors que les entreprises automobiles continuent à opérer dans un marché en pleine mutation, les marques devront également innover pour garder une longueur d’avance sur la concurrence. Toutefois, cela devra désormais être réalisé dans un contexte offrant moins de ressources et sur une période de temps plus courte.
Il faut embaucher et retenir les bons talents, surtout dans les domaines R&D, de la Data Science et de l’ingénierie des données, afin d’utiliser efficacement les données disponibles. Ces nouveaux collaborateurs devront également automatiser une grande partie de l’activité, et rapidement, pour s’assurer que les informations générées soient exploitées dans les plus brefs délais.
Une véritable confiance en l’IA doit donc être établie afin d’accroître l’adoption de technologies axées sur l’analyse des données, utiles dans de nombreux processus opérationnels. Les modèles d’apprentissage automatique devraient pouvoir être expliqués clairement aux décideurs, la logique derrière les prédictions étant identifiée. Les entreprises qui n’utilisent pas l’IA pour évoluer rapidement et automatiser de nombreux processus continueront de s’exposer aux turbulences de cet environnement difficile.
Pourquoi ? Parce qu’au moment où nous entrons dans une ère post-COVID, l’industrie automobile n’a pas les moyens de faire l’autruche. Comme McKinsey nous le rappelle également : « Même si les fabricants se concentrent à présent sur l’essentiel, le fait de ne pas étudier d’autres possibilités pourrait leur nuire à long terme. »
De toute évidence, le champ de bataille de l’avenir, ce sont les données. Les véhicules d’aujourd’hui, toutes catégories confondues, génèrent déjà une mine de données, avec des centaines de capteurs qui surveillent tout, de la température du moteur à la vitesse, en passant par les processus d’accélération et de freinage. Toujours selon McKinsey, 25 giga-octets de données sont créés chaque heure par la majorité des voitures et, à mesure que nous transitons vers des véhicules encore plus autonomes, jusqu’à 3600 giga-octets de données quotidiennes pourraient facilement être inexploités.
De plus, les données recueillies tout au long du cycle de vie de l’industrie automobile telles que la conception et le développement de produits, la gestion de la chaîne d’approvisionnement et de la fabrication, ou encore le marketing, les ventes ainsi que les opérations de service et d’entretien, sont également disponibles.
Il est temps de recueillir et d’exploiter cela afin de rendre l’expérience de la conduite plus agréable, mais aussi pour améliorer notre propre efficacité de fabrication et rendre nos processus plus rentables. Cependant, comment les organisations du secteur de l’automobile peuvent-elles tirer parti de cette richesse d’information en temps utile et se transformer en entreprises du XXIe siècle ?
L’intelligence artificielle (IA) et le machine learning (ML) sont essentiels. Ils aideront le secteur à exploiter cette incroyable richesse de données opérationnelles pour nous aider à vivre avec l’incertitude, alors que l’émergence de projets de transformation axés sur l’intelligence artificielle promet de réduire les coûts et de stimuler la productivité.
Cependant, à bien des égards, ce voyage ne fait que commencer. Les leaders informatiques du secteur automobile semblent avoir du mal à intégrer efficacement l’IA dans les applications, gaspillant temps et argent sur des projets d’IA qui ne sont jamais mis en production.
Bien que cela ne se limite pas à l’automobile, Gartner avertit que les DSI ont du mal à développer des projets d’IA car ils ne possèdent pas les outils permettant de créer et gérer un pipeline d’IA de qualité en production. Selon IDC, environ 28% de toutes les initiatives d’IA et de ML finissent par des échecs.
Ce bilan plutôt sombre suggère-t-il que l’IA n’est pas utile ? Loin de là. Les problèmes sont beaucoup plus structurels : le manque de personnel possédant l’expertise nécessaire, le manque de données disponibles pour alimenter les modèles d’apprentissage automatique et le manque d’environnement de développement intégré sont les principaux obstacles.
L’IA peut faire la différence
Si nous constatons que l’accès aux données n’est pas le problème de l’industrie automobile, travailler efficacement avec ces données l’est, et il devient essentiel que les entreprises donnent à leurs employés les bons outils et le bon environnement technologique pour fonctionner de façon efficiente.
Nous avons ici des raisons d’être optimistes, car l’industrie automobile a une longue et impressionnante expérience en ce qui concerne l’exploitation des dernières technologies afin de proposer des véhicules fiables, novateurs et sûrs, tout en s’efforçant continuellement de réduire les coûts de fabrication.
Nous voyons tous les jours des exemples de l’IA intégrée à de nombreux processus de manière à atteindre de véritables succès. Les applications que nous connaissons directement comprennent :
La maintenance prédictive
Aux États-Unis, les arrêts imprévus coûtent 1,3 million de dollars l’heure sur le seul marché automobile américain (et donc 50 milliards de dollars par an). Mais en utilisant les données générées lors du processus de fabrication, nous parvenons à prédire une défaillance de l’équipement qui permet des interventions de service « au bon moment », ce qui réduit le temps d’arrêt de la machine et maximise le rendement que les machines peuvent fournir.
Ce type d’analyse peut également être appliqué pour utiliser les données générées par la conduite d’une voiture afin de prévoir la nécessité d’un service. En utilisant la maintenance prédictive, les clients peuvent être assurés d’une réduction globale des coûts de maintenance de 30%, du nombre de pannes jusqu’à 70% et des réparations programmées de 12%.
Une meilleure optimisation des stocks et des pièces
H2O.ai aide l’industrie automobile à gérer les coûts liés aux stocks en générant des prévisions de demande plus précises sur des centaines de milliers de pièces à la fois. Cela permet de réduire les coûts car les fabricants peuvent désormais détenir un stock minimal tout en maintenant les niveaux de service et en veillant à ce que la disponibilité des produits demeure élevée.
Une amélioration des ventes et de l’activité marketing
En utilisant les données dans de grands modèles d’apprentissage automatique afin de comprendre le comportement d’achat des clients, le service marketing peut cibler un client potentiel avec un message personnalisé au bon moment et par les bons canaux de communication. L’IA est également appliquée pour améliorer le processus de prévision des ventes et aider à la configuration des véhicules.
Nous savons donc que le secteur de l’automobile peut tirer parti des données et faire en sorte que l’intelligence artificielle résolve ses problèmes. Oui, nous faisons face à des défis : le choc de 2020 sur les marges bénéficiaires signifie que les entreprises du secteur ont dû contracter des niveaux d’endettement élevés ; les niveaux de ventes ne devraient pas atteindre les niveaux de pré-vaccination avant 2022 au plus tôt.
Il est donc important que l’industrie trouve les moyens d’optimiser les opérations et les dépenses pour la prochaine demi-décennie (sinon plus).
Les attentes croissantes des clients continueront de pousser l’industrie automobile dans une période de transformation grâce à l’IA. Nous avons accès à d’excellentes données et les entreprises qui peuvent rapidement en tirer des renseignements exploitables sortiront de la période de la COVID-19 en avance sur les autres.
La technologie, les talents et les processus entourant l’IA existent à présent. Ce sont donc les acteurs qui l’appliquent maintenant, et qui le font correctement, qui verront leurs coûts diminuer et la satisfaction et la fidélité des conducteurs de leurs véhicules croître de façon spectaculaire.