Par Cécile Chopinet, Directrice des ressources humaines chez IT Link.
Alors que les voyages ont été limités, mis sous cloche par la pandémie de Covid-19, la mobilité est à nouveau une demande forte des candidats, portée par l’énorme bond en avant technologique des outils de travail à distance. Mobilité internationale pour satisfaire les rêves d’ailleurs, mobilité nationale pour ouvrir les postes à des candidats éloignés géographiquement… Elle est plus que jamais un élément de différenciation, à l’heure où le marché de l’emploi est particulièrement tendu, notamment dans les métiers technologiques.
Un atout pour recruter et pour fidéliser
Une entreprise française avec un potentiel de mobilité internationale fait rêver. Je le constate tous les jours en tant que directrice des ressources humaines dans une société du numérique présente en France, au Canada, en Belgique et au Maroc. L’envie est d’autant plus forte chez les jeunes. En témoigne la hausse de 30% de demandes de VIE (volontariat international en entreprise) en 2020, soit 80 000 candidatures.
Après ce temps d’arrêt dans les déplacements internationaux, l’envie de partir est décuplée. Si les mouvements se font en interne, l’un décidant d’aller s’installer au Canada, l’autre faisant le choix de revenir en France après plusieurs années en Belgique, l’aspiration à partir est forte chez les candidats que nous rencontrons et c’est un véritable atout que de pouvoir le leur proposer.
La mobilité internationale est un outil de fidélisation ouvrant de nouvelles opportunités de carrière, et en même temps un véritable levier de recrutement. En 20 ans, le nombre d’expatriés français a augmenté de 52%. Leur nombre a été revu à la hausse en 2021 : ils seraient désormais 3,5 millions.
Alors qu’une guerre des talents s’est installée dans certains secteurs, les entreprises ont bien compris que l’international était un bon argument différenciateur. Ainsi, Publicis a annoncé en décembre 2021 que l’ensemble de ses effectifs pourrait, tous les ans, travailler dans l’un des nombreux pays où le groupe est présent. De son côté, le Club Med propose à ses salariés en France de « télétravailler depuis ses resorts européens afin d’expérimenter l’offre du Club tout en restant connectés à leur bureau » (Challenges, 10 février 2022).
La protection des salariés évolue également. La mutuelle Alan a élargi sa clause de territorialité à l’Europe au 1er janvier 2022 pour couvrir les frais de santé à l’étranger, les ressources des entreprises étant désormais internationales.
Télétravail et mobilité nationale : quand le premier favorise la seconde, et le recrutement !
Avant, souvent seules les fonctions administratives et le support avaient recours au télétravail, parfois les ingénieurs par confort, de façon ponctuelle. La demande était faible.
Avec le confinement, le télétravail s’est imposé à tous et a beaucoup plu. Aujourd’hui, la plupart des entreprises qui recrutent mentionnent la proportion de télétravail à laquelle sont éligibles leurs offres d’emploi. En plus de répondre à une demande des candidats, elles ouvrent leurs portes à de nouveaux profils, distants et motivés, qui, à l’avenir, peuvent se révéler être des relais de croissance sur un nouveau territoire. Certaines entreprises proposent même le « work from anywhere » (« travaillez d’où vous voulez »).
Selon une enquête réalisée par Hello Work auprès de 334 professionnels des RH et du recrutement et 1 174 actifs en recherche de nouvelles opportunités, 56% des recruteurs ont remarqué une augmentation du nombre de candidatures éloignées du lieu de travail par rapport à 2019, la preuve que les mentalités ont changé. Une bonne nouvelle pour les bassins d’emplois en tension.
« 8 candidats sur 10 sont désormais prêts à travailler à distance pour une entreprise située loin de chez eux. 1 candidat sur 4 serait même enclin à partir s’installer à l’étranger pour y télétravailler. » Pour garder leurs salariés ou pour en embaucher de nouveaux, le télétravail est un facilitateur.
Une mobilité rendue possible par la technologie
Avant crise, les entreprises avaient bien souvent de bonnes raisons de limiter le travail à distance avant qu’il ne s’impose à elles et qu’il prouve sa faisabilité et son efficacité. Entre autres excuses : le manque d’outils adéquats, le risque de défaire les dynamiques d’équipes, la peur de perdre le sentiment d’appartenance… Les entreprises se sont finalement rendu compte qu’avec les technologies mises aujourd’hui à leur disposition, tout était possible.
Les réunions peuvent se faire à distance bien sûr, mais ça n’est pas tout. Dans notre cas, une fois par mois, à un horaire convenant aux salariés de toutes les filiales du groupe où qu’ils se trouvent, tous les collaborateurs sont conviés à une visioconférence d’entreprise durant laquelle un membre de la direction présente un sujet d’actualité. Le team building n’est pas en reste. Des ateliers bien-être et autres activités en ligne sont proposés régulièrement. Ainsi, nous favorisons le partage, la convivialité, au profit d’un sentiment d’appartenance partagé par tous, dans chaque pays, au bureau ou à distance.
Enfin, les relations à distance se sont professionnalisées. Les entreprises se sont organisées et il n’est pas rare de voir des salles de réunions équipées pour la visioconférence. Elles permettent par exemple aux commerciaux ou aux ressources humaines de réaliser des entretiens distants de qualité. Les entreprises ont également préparé des visuels d’entreprise pour que les salariés utilisent des écrans de fond à leur couleur afin d’uniformiser et rendre professionnelles leurs prises de parole à distance. Pour finir, des formations ont également été dispensées pour apprendre à se positionner face à la caméra, et à poser son regard en situation de visioconférence.
On a longtemps dit que les entreprises cherchaient des candidats mobiles et qu’elles peinaient à en trouver, tant la jeune génération privilégie la qualité de vie. Il semblerait qu’aujourd’hui, les candidats soient plus enclins à la mobilité, intéressés par des perspectives d’ailleurs, internationales ou nationales, pourvu qu’ils y trouvent leur intérêt et leur équilibre.
Publié le 20 mais 2022 par L’Usine Nouvelle